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Daniel Dufort: Les déboires de Northvolt : une mise en garde contre la politique industrielle risquée du Canada

Commentary

Justin Trudeau and Francois Legault at an announcement that Northvolt Batteries North America will build a new EV battery manufacturing plant near Montreal, Sept. 28, 2023. Christinne Muschi/The Canadian Press.

The following is the fifth in a series of French-language articles presented in collaboration with the Montreal Economic Institute. The English translation is included below.

Oyez, oyez! C’est le début d’une ère nouvelle en matière de politique industrielle au Canada!

Les gouvernements de tout le pays ont plaidé en faveur d’une transition nationale vers les véhicules électriques, et ils sont prêts à dépenser de grosses sommes d’argent pour y arriver. En fait, le gouvernement fédéral s’est engagé à ce que tous les véhicules vendus d’ici à 2035 soient zéro émission.

Chéquiers en main, les politiciens ont généreusement distribué des milliards de dollars de fonds publics pour inciter les fabricants de véhicules électriques à s’installer au Canada. À ce jour, les gouvernements du Canada se sont engagés à verser jusqu’à 52,5 milliards $ pour subventionner cette chaîne d’approvisionnement nationale, selon le directeur parlementaire du budget.

Parmi les principaux bénéficiaires, Northvolt, un fabricant suédois de batteries pour véhicules électriques, s’est vu attribuer 7 milliards $ de fonds publics. En échange, une région proche de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville accueillera une toute nouvelle usine de batteries pour véhicules électriques, d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.

Dans leurs communiqués de presse, les politiciens proclamaient qu’il s’agissait d’un tournant important pour l’économie du Québec.

Mais moins d’un an après la conclusion de l’accord, il semble que la lune de miel touche à sa fin, alors que Northvolt est confrontée à de graves difficultés financières.

La faible demande pour les véhicules électriques, notamment en Europe, a contraint Northvolt à fermer l’une de ses usines et à mettre à pied 1600 employés. Dans un souci de réduction des coûts, l’entreprise a également annoncé son intention de limiter ses activités à la fabrication de cellules de batterie.

En juin dernier, BMW a annulé une commande de 2 milliards $, faute de pouvoir se procurer les pièces nécessaires auprès de l’entreprise.

Cette annonce avait alors suscité des inquiétudes quant à ses répercussions sur l’usine de la région de Montréal, mais l’entreprise avait rassuré les décideurs politiques en affirmant qu’elle respecterait ses engagements, moyennant quelques ajustements à l’échéancier.

Ces promesses n’ont cependant pas réussi à calmer les inquiétudes à Québec. La semaine dernière, le gouvernement provincial a commencé à évoquer publiquement la possibilité d’annuler l’approvisionnement en électricité de Northvolt si l’entreprise continue à se traîner les pieds dans la construction de l’usine après une certaine date butoir.

Malgré les annonces de l’entreprise, il ne fait aucun doute que des changements sont déjà amorcés. Ce qui était initialement prévu en matière de production pour le Québec est aujourd’hui menacé par les décisions stratégiques qui se dessinent en Suède.

Notamment, Northvolt a abandonné ses activités de production de cathodes en Suède, l’une des activités également prévues dans l’usine de Québec.

Mais comment en sommes-nous arrivés là? Pourquoi les Canadiens doivent-ils aujourd’hui subir les conséquences de la volatilité des entreprises étrangères?

Tout simplement du fait d’une politique industrielle inadaptée.

On entend par politique industrielle les mesures prises par les pouvoirs publics en vue de promouvoir et de soutenir des industries ou des secteurs spécifiques au sein de l’économie. Il peut s’agir notamment de mesures d’intervention dans le secteur manufacturier en vue d’obtenir des résultats économiques donnés, comme la création d’emplois, la hausse des exportations ou la promotion de l’innovation.

Les subventions ne sont qu’un outil parmi tant d’autres. Ainsi, lorsque le gouvernement tente de stimuler la demande pour les voitures électriques, on combine un pari considérable en faveur de la production de véhicules électriques avec un mandat de zéro émission.

Malheureusement, il ne semble pas y avoir de consensus quant à l’efficacité de cette politique industrielle, malgré les milliards que nous y consacrons. Les données probantes sur l’efficacité des instruments agissant sur la demande sont également peu nombreuses.

Ce qui nous ramène à la question de savoir pourquoi les Canadiens doivent aujourd’hui s’inquiéter de la situation financière de ce fabricant suédois.

Tout simplement parce que les gouvernements, se croyant capables de déterminer les gagnants sur le marché, ont lié l’argent des contribuables au destin de Northvolt. De telles subventions obligent les contribuables à assumer les risques liés à une entreprise privée.

Cette décision intervient à un moment où les Canadiens sont de plus en plus sceptiques à l’égard des dépenses publiques.

Selon un sondage IEDM-Ipsos réalisé en juillet dernier, 63 pour cent des Canadiens estiment que le gouvernement fédéral dépense trop. En ce qui concerne la gestion de ces dépenses par le gouvernement, 70 pour cent d’entre eux estiment qu’Ottawa fait piètre figure.

Les subventions accordées aux entreprises du secteur des véhicules électriques s’élèveront à près de 6 milliards $ chaque année. Il s’agit du double des recettes additionnelles provenant de la nouvelle tranche d’imposition introduite par le gouvernement Trudeau en 2016, qui s’élevaient à 2,88 milliards $ cette année.

Les Canadiens devraient pouvoir dépenser cet argent eux-mêmes; s’ils ont envie de parier, qu’ils puissent le faire à leur guise.

Par ailleurs, l’IEDM a constaté que si cette tranche d’imposition supplémentaire n’avait jamais été introduite, et si ces milliards étaient restés dans les poches des Canadiens, quelque 9820 entreprises canadiennes auraient pu voir le jour entre 2016 et 2020. Que Northvolt parvienne ou non à respecter ses engagements, cette saga est révélatrice de la faille fondamentale de toute subvention.

Les gouvernements ne sont pas en mesure de prédire le succès d’une industrie donnée et, lorsqu’ils essaient de le faire, ce sont les contribuables qui se retrouvent à payer les pots cassés.

Les subventions ne garantissent pas la réussite commerciale; elles introduisent une distorsion du marché, en soustrayant les entreprises aux risques qu’elles devraient assumer. Pendant ce temps, les contribuables subissent les contrecoups lorsque les choses tournent mal, comme nous pourrions bien l’apprendre à nos dépens une fois de plus avec Northvolt.

Northvolt’s struggles a cautionary tale for Canada’s risky industrial policy

Come one, come all! A new era of industrial policy has emerged in Canada!

Governments across the country have called for a nationwide transition to electric vehicles, and they’re willing to spend big bucks to make it happen. In fact, the federal government has mandated that all vehicles sold by 2035 be zero emission.

With chequebooks open, politicians have been generously doling out billions of dollars of taxpayer money to entice electric vehicle manufacturers to set up shop in Canada. So far, Canadian governments have pledged up to $52.5 billion in order to subsidize this domestic supply chain, according to the Parliamentary Budget Officer.

Among the main beneficiaries is Northvolt, a Swedish-based electric vehicle battery manufacturer, which received $7 billion in public funds. In exchange, an area near Sainte-Basile-le-Grand and McMasterville will be the site of a brand new multi-billion-dollar electric vehicle battery plant.

In their press releases, politicians were trumpeting this as a turning point for Quebec’s economy.

But less than a year after the deal was inked, it appears that the honeymoon phase is coming to an end, as Northvolt is facing severe financial difficulties.

Sluggish demand for electric vehicles, especially in Europe, has compelled Northvolt to close down one of its sites and lay off 1,600 employees. Amid the need to cut costs, the company also announced plans to restrict its activities to the manufacture of battery cells.

BMW, unable to procure the parts needed from the company, cancelled a $2-billion order in June.

Worries began circulating that this would impact the Montreal-area plant, but the company has reassured policymakers that, notwithstanding changes to the timeline, it will uphold its commitments.

Such assurances have not been able to calm the concerns in Quebec City, however. Last week, the provincial government began publicly discussing the prospect of cancelling Northvolt’s energy supply if it continues to drag its feet on plant construction beyond a certain deadline.

Despite what the company has said, changes are undoubtedly already underway. What was originally planned for production in Quebec is now at risk due to strategic decisions we see playing out in Sweden.

For one thing, Northvolt has ceased its cathode-related activities in Sweden—one of the operations also intended for Quebec.

So, how did we get here? Why are Canadians now caught up in the business volatility of foreign corporations?

The answer: bad industrial policy.

Industrial policy refers to government actions aimed at promoting and supporting specific industries or sectors within the economy. These include intervening in manufacturing with the goal of achieving specific economic outcomes, such as creating jobs, boosting exports, or encouraging innovation.

Subsidies are just one tool. Thus, with government trying to spur demand for electric cars, a sizeable bet on electric vehicle production is combined with a zero-emission mandate.

Unfortunately, there doesn’t seem to be widespread consensus that industrial policy works, despite the billions we’re throwing at it. The evidence regarding the effectiveness of demand-side instruments is also scanty.

Which brings us back to the question of why Canadians are now worried about the financial well-being of this Swedish-based manufacturer.

The answer is that governments, somehow believing they are good at picking winners on the market, have tied taxpayer dollars to Northvolt’s fate. Subsidies like these force taxpayers to assume the risk for a private venture.

This comes at a time when Canadians are growing increasingly skeptical of government spending.

According to an MEI-Ipsos poll conducted on July, 63 percent of Canadians believe the federal government spends too much. On the question of government stewardship of those funds, 70 percent find that Ottawa does not manage its money well.

Subsidies to electric vehicle companies will amount to nearly $6 billion per year. This is double the additional revenue gained from the new tax bracket the Trudeau government introduced in 2016, which amounted to $2.88 billion this year.

This is money that would be better spent by Canadians; if they have an appetite to gamble, let it be their choice.

Moreover, the MEI found that had this extra tax bracket never been introduced, and had these billions remained in Canadians’ pockets, some 9,820 Canadian companies could have been launched between 2016 and 2020.

Whether or not Northvolt manages to follow through on its commitments, this entire saga reveals the fundamental flaw of subsidies.

Governments are not equipped to predict which industries will succeed, and when they try to do so, it is taxpayers who are left holding the bag.

Subsidies don’t guarantee market success; they distort the market, shielding corporations from the risks they ought to bear. Meanwhile, taxpayers shoulder all the downsides when things go awry, as we may well learn the hard way once again with Northvolt.

Daniel Dufort

Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM, un think tank avec des bureaux à Calgary et à Montréal. Daniel Dufort is president and CEO of the MEI, a think tank with offices in Montreal, Ottawa, and Calgary....

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